Come from Away (livret Irene Sankoff, David Hein / musiques Irene Sankoff, David Hein / mes. Christopher Ashley)

Come from Away
Livret par Irene Sankoff, David Hein
Musiques par Irene Sankoff, David Hein, Ian Eisendrath (directeur musical, arrangements), August Eriksmoen (orchestrations)
Mis en scène par Christopher Ashley
Chorégraphies par Kelly Devine
Collaboration artistique avec Joel Goldes (coach dialectes)
Casting par Pippa Ailion, Natalie Gallacher
Avec Jenna Boyd, Nathanael Campbell, Clive Carter, Mary Doherty, Robert Hands, Helen Hobson, Jonathan Andrew Hume, Harry Morrison, Emma Salvo, David Shannon, Cat Simmons, Rachel Tucker, Mark Dugdale (standby), Bob Harms (standby), Chiara Baronti (standby), Kirsty Malpass (standby), Tania Mathurin (standby), Alexander McMorran (standby), Brandon Lee Sears (standby), Jennifer Tierney (standby)

Scénographie par Beowulf Boritt
Lumières par Howell Binkley
Création sonore par Gareth Owen
Costumes par Toni-Leslie James
Coiffures par David Brian Brown

Théâtre Phoenix Theatre, London, UK
Produit par Junkyard Dog Productions (producteur), Smith & Brant Theatricals (producteur), Latitude Link (co-producteur), Yonge Street Theatricals (co-producteur), Laura Little Theatricals Productions (co-producteur), Radio Mouse Entertainment (co-producteur), Playful Productions (organisateur), Ambassador Theatre Group (organisateur)
Représentation du vendredi 8 février 2019 à 19h30
Placé en troisième catégorie sur sept (dress circle, rang F, place 7)
Payé 76.75 £

Le casting au complet sur la scène du Phoenix Theatre
[photo de Matthew Murphy]

En faisant le tour des nouveautés à l’affiche du West End londonien, je suis tombé sur Come From Away. Intéressé par le pitch, j’ai cherché quelques morceaux sur YouTube et ai tout de suite été convaincu grâce à sa musique absolument géniale que c’est le musical qu’il fallait aller voir !

Créé par une équipe canadienne et présenté pour la première fois en 2013, le spectacle a rencontré un énorme succès dans ses différentes productions (San Diego et Seattle en 2015, Washington, D.C. et Toronto en 2016) avant d’atterrir à Broadway. Au moment où j’écris ces lignes, il est toujours à l’affiche à New York, mais également à Toronto et en tournée américaine. Il se prépare à faire ses débuts à Melbourne… et est donc installé à Londres.

Les “previews” londoniens ont commencé le 30 janvier avec une soirée de première le 18 février — j’ai ainsi vu le show une semaine après son arrivée dans les murs du Phoenix Theatre. Cette salle d’environ 1000 places inaugurée en 1930 a pour principal désavantage d’avoir un hall et des bars particulièrement sous-dimensionnés qui ne rendent pas vraiment l’avant-spectacle agréable.

Monsieur le maire s’adresse au public
[photo de Matthew Murphy]

Mais revenons-en au spectacle à proprement parler. L’histoire se déroule à Gander, petite ville de l’île canadienne de Terre-Neuve. Sa particularité, un aéroport quasiment déserté qui fut un temps un des plus grands du monde, puisque situé sur la trajectoire transatlantique, en faisant la dernière ou première étape pour se ravitailler en carburant avant ou après la traversée de l’océan.

Nous sommes le 11 septembre 2001, les attentats viennent d’avoir lieu et les Etats-Unis ferment leur espace aérien. Tous les vols continentaux doivent atterrir d’urgence à l’aéroport le plus proche, tandis que les longs courriers font demi-tour ou sont détournés vers un pays frontalier. Le Canada gère l’affaire comme il peut, mais, craignant que d’autres terroristes se trouvent à bord des appareils lui arrivant sur les bras, refuse qu’ils se posent à proximité de grandes villes. Pour les vols provenant d’Europe et d’Afrique, ordre est donc donné d’aller à Gander.

38 avions y atterrissent, représentant presque 7’000 personnes, quasiment l’équivalent de la population locale… Pendant que les forces de sécurité s’occupent de fouiller aéronefs et voyageurs (dont certains ne sont pas informés de ce qui se passe, puisque sans smartphones et ayant un équipage préférant garder le silence), les “Ganderiens” se préparent à accueillir tout ce monde…

La reporter de la télé locale couvre la préparation de l’accueil de tous ces “come from away” (la façon dont sont surnommés les étrangers à Terre-Neuve)
[photo de Matthew Murphy]

Après plusieurs heures passées bloqués dans l’avion, les voyageurs resteront cinq jours sur place en attendant la réouverture de l’espace aérien américain. Les habitants s’occuperont d’eux, les logeront, les nourriront, les réconforteront … La comédie musicale s’intéresse à toutes ces petites histoires de solidarité s’étant déroulées à Gander.

Un sujet grave, mais un traitement léger, constitué quasi exclusivement de chansons rythmées et entraînantes dans un style folk-rock celtique absolument génial, le tout souvent chanté en chœur. Les musiciens sont sur scène, cachés derrière des troncs d’arbres sur les bords. C’est à peu près le seul décor d’ailleurs, à l’exception de quelques chaises et tables. Côté effets spéciaux, rien de plus qu’un plateau tournant.

Les musiciens du spectacle qui de temps à autre occupent la scène
[photo de Matthew Murphy]

Niveau scénographie, alors que la plupart des productions du West End sortent les très gros moyens pour notre plus grand plaisir, Come from Away fait donc dans le minimalisme. Dans la même logique, il n’y a que douze comédiens, interprétant chacun plusieurs personnages, que ce soient des voyageurs ou des locaux. Les changements de rôle se font à l’aide de quelques accessoires (une chemise, une casquette, etc.), le tout étant parfaitement étudié pour rendre l’ensemble fluide et compréhensible.

La mise en scène est ultrarapide et incroyablement maligne, nous faisant passer en quelques secondes et mouvements de chaises de l’intérieur d’un avion au bar de Gander. Le Tony Award 2017 remporté dans cette catégorie semble une évidence. La construction du scénario, croisant récit général et histoires personnelles, est également une grande réussite.

Pour montrer un Boeing, un pub ou un bus, il suffit d’un bel éclairage et de quelques chaises
[photo de Matthew Murphy]

Particularité par rapport à la plupart des musicals, les comédiens incarnent ici de vraies personnes, qu’ils ont souvent rencontrées. En effet, les créateurs ont écrit leur livret d’après des interviews d’habitants de Gander — dont la plupart sont devenus fans du spectacle et l’ont vu un nombre incalculable de fois !

Sur scène, nous faisons ainsi notamment la connaissance d’une prof, du leader des chauffeurs de bus scolaires en grève, d’un policier, d’une passionnée d’animaux qui s’occupera de tous ceux arrivés en soute (jusqu’aux plus exotiques), d’une mère d’un pompier new-yorkais dont elle n’a pas de nouvelle, d’un couple de deux Kevin qui a du mal à résister au stress de la situation ou encore, au contraire, d’un couple qui se forme lors de ce séjour forcé à Terre-Neuve…

Personnage parmi les plus marquants, Beverley Bass, première femme pilote sur American Airlines, qui volait ce jour-là de Paris à Dallas. Elle raconte sa vie dans un morceau, “Me and the Sky”, partant de son rêve de petite fille de devenir pilote. Suivent ses premiers vols sur des avions-corbillards, le refus des hommes de voir une femme devenir leur égal, la réalisation de son rêve puis sa désillusion ce 11 septembre… L’interprète (Rachel Tucker) est absolument excellente et le titre génial tant au niveau des paroles que de la musique, au point que le public avait beaucoup de mal à se retenir d’applaudir avant la fin !

La charismatique Beverley Bass interprétée par Rachel Tucker pour un des seuls “solos” du spectacle
[photo de Matthew Murphy]

Parmi les autres personnages que j’ai beaucoup aimés, un Américain qui se retrouve hébergé chez le maire qui l’abreuve de whiskey à n’en plus finir. L’élu lui confie une mission : faire le tour des villas du coin et ramener leur barbecue pour pouvoir nourrir tout le monde. Le voyageur est persuadé qu’il va se faire tirer dessus au premier pas dans le jardin d’un inconnu et est finalement étonné de voir que les gens lui offrent non seulement un verre, mais en plus l’aident à “voler leur propre barbecue” ! Ce moment (et son interprétation) entre deux chansons est excellent, comme beaucoup (l’instant nettoyeurs de toilettes ou les deux Kevin pensant cacher qu’ils sont en couple avant de se rendre compte qu’ils ont probablement atterri dans la ville la plus gay du contient !).

Que dire encore ? Que je ne me lasse pas des tubes “Welcome to the Rock” et “Somewhere in the middle of nowhere” (et d’un bon nombre d’autres d’ailleurs), que la scène où l’équipage d’un avion distribue les réserves d’alcool du bord aux clients pour les faire patienter avant de pouvoir enfin débarquer est géniale (tout comme le passage tout aussi arrosé de “naturalisation” des étrangers au bar du coin) ou qu’il y a entre l’humour omniprésent des touches de sérieux et d’émotions bien amenés — je pense notamment au personnage du Moyen-Orient, systématiquement contrôlé, regardé de travers par tous (quand c’est pas pire) et interdit d’accès à la cuisine pour aider alors qu’il est… responsable de la restauration pour une chaîne d’hôtels.

Un défaut malgré tout à trouver dans ce spectacle ? Il y a malheureusement une on deux bondieuseries dont je me serais bien passé, mais c’est très personnel, et je suis obligé d’admettre que la scène des prières est d’une grande qualité, avec encore une fois une composition musicale très réussie.

Ce Come from Away est décidément un excellent “feel good musical” particulièrement festif !
[photo de Matthew Murphy]

S’il y a une preuve de la qualité exceptionnelle de ce musical, c’est bien la réaction du public ; à peine une demi-seconde après le final et l’extinction des projecteurs, toute la salle était debout – alors que les standing ovations sont réputées plutôt rares à Londres ! C’est étonnant de voir un tel réflexe collectif, mais il faut dire que ce spectacle à tout pour plaire.

Les chansons sont toutes géniales, rythmées, entraînantes et superbement écrites. La mise en scène est une véritable leçon, arrivant à faire tenir sur le plateau tous les lieux et ambiances imaginables à l’aide d’une plaque tournante, de chaises et de quelques accessoires, se payant en plus le luxe d’être millimétrée et ultra-dynamique. Le casting est absolument irréprochable, avec une haute dose de charisme, sans compter que ça fait plaisir de voir des comédiens de tous âges et styles au physique pas forcément taillé pour être une star du West End, si je peux me permettre de le dire de cette façon. Et le scénario, bien sûr, est hyper original et parfaitement découpé. Un des meilleurs musicals que j’aie vu pour ma part, à laquelle je ne peux que vous recommander de “come from away” et d’assister dès que possible !

 

Remarque : le casting visible sur les photos et cité en tête de cet article est celui habituel, donné par la production. Il est peut-être différent de celui que j’ai vu sur scène.

Vous avez également vu cette comédie musicale, êtes d’accord, pas d’accord, avez une question, une remarque ? N’hésitez pas à commentez ci-dessous !

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