Je préfère qu’on reste amis (de Laurent Ruquier / mes. Marie-Pascale Osterrieth / avec Michèle Bernier, Frédéric Diefenthal)

13_1_affiche

Je préfère qu’on reste amis
De Laurent Ruquier
Mis en scène par Marie-Pascale Osterrieth
Avec Michèle Bernier, Frédéric Diefenthal

Décors par Pierre-François Limbosch
Lumières par Laurent Castaingt
Musiques par Jacques Davidovici
Costumes par Charlotte David

Théâtre Bâtiment des Forces Motrices, Genève, Suisse
Produit par Théâtre Antoine (producteur), Jean-Marc Dumontet Productions (producteur, tourneur), Les Théâtrales (organisateur)
Représentation du mardi 21 février 2015, 20h30
Placé en troisième catégorie (rang 43, place 5)
Payé 35.00 CHF (tarif adhérent FNAC)

13_2_castingLaurent Ruquier, Marie-Pascale Osterrieth et les deux acteurs Michèle Bernier et Frédéric Diefenthal – un dégradé de gradés
[photo de Pascal Ito, via le dossier de presse]

En tant que grand fan des émissions de Laurent Ruquier (à la télé bien sûr mais surtout à la radio, dans On va s’gêner il y a quelques mois encore et maintenant dans sa version modernisée des Grosses têtes, une référence de l’humour pour moi), je ne pouvais pas louper sa dernière pièce, partie en tournée après un gros succès à Paris. C’est à Genève que je me suis rendu pour la découvrir, les genoux compactés par le fauteuil de devant, entre les murs du Bâtiment des Forces Motrices (sérieusement, je pense qu’il aurait été impossible de serrer les rangées ne serait-ce que d’un centimètre de plus !).

J’avais entendu parler de la pièce depuis longtemps déjà, l’histoire qui m’attendait n’était donc pas une surprise ; Claudine (Michèle Bernier) et Valentin (Frédéric Diefenthal) sont les meilleurs amis du monde, se disent tout (du moins, c’est ce qu’ils pensent), passent des soirées arrosées à discuter tout en faisant preuve d’un humour douteux, bref, tout va pour le mieux dans le meilleur des monde. Sauf que Claudine est secrètement amoureuse de son meilleur ami et que, cette fois c’est décidé, elle va le lui dire.

La pièce s’ouvre donc sur les deux personnages se téléphonant pour organiser une de leur traditionnelle soirée, Claudine insistant pour changer de l’éternelle pizza devant la télé. A signaler que, pendant cette discussion, Valentin est sur les toilettes, situation permettant d’ouvrir la pièce par quelques vannes d’une finesse toute relative, de quoi donner matière aux détracteurs de Ruquier qui ne manqueront pas de critiquer son humour quelques secondes après l’ouverture des rideaux déjà.

Revenons à Claudine qui convint finalement (son) Valentin de la rejoindre dans le magasin de fleurs dont elle est propriétaire afin d’y improviser une soirée pique-nique. Ce lieu plutôt incongru pour une pièce de théâtre permet à Pierre-François Limbosch de signer un magnifique décor tout en couleurs. Au centre de la scène, deux chaises se font face, pivotant autour d’un axe – un accessoire rêvé pour une metteur en scène qui fait d’ailleurs un très bon travail.

13_3_decor“La crevette rose”, magasin de fleurs au nom farfelu dans lequel se déroule la majeure partie de la pièce
[photo sans crédits, via le dossier de presse]

La première demi-heure de la pièce, celle pendant laquelle Claudine tente par divers moyens plus ou moins subtils de révéler ses sentiments, s’éternise un peu, les allusions amoureuses devenant de plus en plus lourdes. Il faut dire en toute objectivité que la crédibilité scénaristique n’est pas le point fort de la pièce. Une fois le “je préfère qu’on reste amis” prononcé par Valentin en réponse à la flamme déclarée par le personnage qu’interprète Michèle Bernier, les révélations rocambolesques s’enchaineront, conduisant la pièce à un réalisme digne des plus folles pièces de boulevard.

La véritable réussite de la pièce, ce sont ses dialogues. C’est très bien écrit, truffé de jeux de mots, certains bien pourris (venant de ma part c’est le plus beau des compliments), certains plus subtils, avec de belles trouvailles originales sorties de l’imagination de Laurent Ruquier. La pièce est très drôle, les répliques bien balancées par les deux acteurs, c’est un véritable plaisir d’assister à ce dialogue.

En parlant des acteurs, la tête d’affiche Michèle Bernier est parfaite dans son rôle de fleuriste bonne copine n’ayant pas sa langue dans sa poche – elle est instantanément sympathique aux yeux du public. La complicité avec Frédéric Diefenthal est excellente, celui-ci jouant les passages “révélations folles” de son personnage avec retenue, rendant l’ensemble très agréable. S’il fallait citer un défaut, il est vrai que les deux acteurs sont peut-être un peu moins à l’aise lors des courts passages de monologue face public.

13_4_acteursBernier / Diefenthal, un couple d’acteurs parfaits pour cette pièce
[photo de Bernard Richebé, via le dossier de presse]

Dans chaque interview, Laurent Ruquier précise qu’il a écrit cette pièce spécialement pour son amie Michèle Bernier, et qu’il a tenu à y intégrer des moments chantés sachant que l’actrice aimait beaucoup donner de la voix. Et effectivement, Claudine chante toutes les chansons d’amour qu’elle connait. C’est un peu surprenant, le répertoire est spécialement ringard mais c’est amusant et le public adore, bien que, pour ma part, je trouve que ça n’apporte pas grand chose et que ça aurait été dispensable (ou, du moins, que ça aurait dû être utilisé avec un peu plus de retenue).

Deux petites notes techniques avant de gentiment arriver à ma conclusion. Je commence par l’éclairage. L’effet du changement de couleur pour marquer la transition du jour à la nuit est souvent utilisé au théâtre, avec plus ou moins de succès, mais ici Laurent Castaingt a intégré quelques jeux de lumière plutôt bizarres. Ca passe du bleu au rose avec des intermèdes verdâtres, les transitions ne sont pas franchement discrètes, bref, j’ai pas trop compris quel était au juste l’effet recherché, j’ai juste trouvé ça kitsch. Dommage, vu le décor fleuri, ça n’était pas nécessaire de rajouter ces touches de couleurs mal amenées.

La deuxième remarque technique qu’il me restait à placer concerne justement le décor. Sans trop en dire, le petit mécanisme conçu juste pour l’effet final sur les trois dernières secondes de spectacle, c’est très bien vu.

13_5_jeuLors des moments de tension, les deux personnages utilisent un vocabulaire fleuri (…)
[photo de Gaël Rebel, via le dossier de presse]

Petite remarque sur le public : Michèle Bernier attire des spectateurs qui semblent plus habitués à être assis sur un canapé devant leur télé que sur un fauteuil de théâtre. Les groupies chantent en même temps que l’actrice (bon, ça, ça passe encore), s’embrassent énergiquement (euh… ok !), commentent tout ce qui se passe (ça j’aime beaucoup mois…), bref, il leur manque juste le seau de pop-corn. Le plus gros problème provient des rires bien bruyants et des applaudissement surgissant à n’importe quel moment qui fait que certaines parties des dialogues sont inaudibles. Vous allez me dire que les acteurs doivent savoir gérer les réactions du public, c’est vrai, mais quand certains spectateurs très enthousiastes commencent à applaudir en plein milieu d’une réplique, ils ne peuvent pas faire grand chose…

Evidemment, ce public “populaire” ne m’a pas empêché d’apprécier cette pièce “populaire”. Le scénario aurait mérité d’être un peu plus subtil et mieux amené, qu’importe : la pièce a rempli son rôle premier puisque j’ai beaucoup ri en écoutant les croustillants dialogues mis en valeur comme il se doit par les deux très sympathiques acteurs choisis par Laurent Ruquier. Un divertissement à recommander si la tournée passe par votre région.

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