Petits crimes conjugaux (de Eric-Emmanuel Schmitt / mes. Jean-Luc Moreau / avec Fanny Cottençon, Sam Karmann)

59_1_affiche

Petits crimes conjugaux
De Eric-Emmanuel Schmitt
Mis en scène par Jean-Luc Moreau assisté par Anne Poirier-Busson
Avec Fanny Cottençon, Sam Karmann

Décors par Stéfanie Jarre assistée par Daphné Roulot
Accessoires par Nils Zachariasen
Lumières par Jacques Rouveyrollis assisté par Jessica Duclos
Musiques par Sylvain Meyniac
Costumes par Nathalie Chevalier

Théâtre de l’Octogone, Pully, Suisse
Produit par Théâtre Rive Gauche (producteur), Lande Martinez Production (producteur, tourneur), Théâtre de l’Octogone (organisateur)
Représentation du jeudi 05 octobre 2017 à 20h30
Placé en deuxième catégorie (rang K, place 27)
Payé 37.00 CHF

59_2_decorLe très joli décor de la pièce, signé Stéfanie Jarre
[photo de Fabienne Rappeneau]

Pour ma première pièce de cette saison théâtrale 2017 / 2018, direction le très sympathique Théâtre de l’Octogone à Pully pour découvrir un texte d’Eric-Emmanuel Schmitt – de loin pas le premier que je vois. Au programme, un spectacle déjà monté en 2003 (avec Charlotte Rampling et Bernard Giraudeau), repris cette fois-ci par Fanny Cottençon et Sam Karmann avec Jean-Luc Moreau à la mise en scène.

Une fois ouvert, le rideau nous dévoile un très joli décor d’appartement chic rempli de bibliothèques. Le personnage interprété par Fanny Cottençon entre sur le plateau, suivi de son mari qu’elle ramène de l’hôpital. Ce dernier souffre d’amnésie totale suite à une chute domestique remontant à quelques jours. Le traumatisme est si grave qu’il en est arrivé au point de ne plus reconnaître sa femme. En retrouvant son appartement, il espérait avoir un choc lui permettant de récupérer sa mémoire, mais rien ne se produit. Son épouse, qu’il a du mal à tutoyer, redouble d’efforts en lui rappelant les nombreuses théories étranges qu’il a développées au fil des années sur son environnement de vie, tel le fauteuil inconfortable dont il prétend qu’il lui ouvre son ressort intellectuel ou les miettes qu’il ne faut pas nettoyer — ce sont les larmes du pain qui pleure quand on le coupe.

Le pauvre est bien effrayé par le portrait brossé par sa concubine, et se rend compte qu’il devait être peu agréable à vivre. A moins qu’elle ne mente ? Ou qu’elle ne cache quelque chose ? En fait, c’est bien plus compliqué que ça et, très vite, l’on reconnaît le style d’écriture “schmittien”, mélangeant avec talent thriller et pièce psychologique sur les couples.

59_3_coupleL’étrange couple tente de se retrouver, au cours d’une pièce à l’intrigue sinueuse
[photo de Fabienne Rappeneau]

Autre caractéristique typique de Eric-Emmanuel Schmitt, le texte sert autant à faire avancer l’intrigue qu’à lancer le public sur des réflexions plus larges sur un thème, en l’occurrence le couple. Il y a en effet plein de petites phrases qui agissent comme des accroches. Ceux qui n’aiment pas l’œuvre de l’auteur qualifieront ça de philosophie de comptoir — ça n’est pas entièrement faux, mais dans l’ensemble le tout reste intéressant. Quelques touches humoristiques bien placées rendent les échanges plus agréables, aérés.

Le texte est vraiment prenant, digne d’intérêt et bien écrit, même si, il faut l’avouer, quelques dialogues tirent un peu en longueur. Heureusement, les nombreux rebondissements permettent toujours de réinjecter du rythme dans la pièce. Quant à l’intrigue en elle-même, si elle divertit avec talent et a le mérite d’aborder une vision originale du couple, elle est assez peu crédible. Sans vouloir trop en dire, le duo présenté a quand même une relation de couple complètement délirante !

Le jeu d’acteur est lui très bon, surtout celui de Fanny Cottençon, qui campe à merveille son rôle d’alcoolique à la limite de la folie, totalement perdue et un peu parano. La mise en scène est assez intelligente, utilisant au maximum les mouvements et déplacements pour couper les longs échanges entre personnages.

59_4_bureauLe couple assis derrière le bureau et sa chaise qui grince — encore un défaut auquel il ne faut pas toucher, l’habitant des lieux ayant une théorie farfelue pour justifier l’utilité de sa présence
[photo de Fabienne Rappeneau]

Au final, j’ai passé un très bon moment théâtral devant cette pièce mixant avec talent thriller et psychologie, dans la veine des textes de Eric-Emmanuel Schmitt. Les accroches orientant le public vers des réflexions sur le couple sont intéressantes, l’humour bien dosé, l’intrigue prenante même si assez peu crédible (à moins de tomber sur des gens bien perchés). Jean-Luc Moreau signe une mise en scène réussie qui, combinée aux nombreux rebondissements, coupe parfaitement ce long échange entre deux protagonistes, permettant de conserver du rythme — et le spectateur éveillé pendant une heure quarante. Les deux acteurs sont excellents dans leur rôle, avec une mention spéciale allant pour ma part à Fanny Cottençon. Autre mention spéciale pour le décor, vraiment magnifique. Une bonne pièce, sans être exceptionnelle, que je recommanderais en priorité aux amateurs d’Eric-Emmanuel Schmitt.

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