L’appel de Londres (de Philippe Lellouche / mes. Marion Sarraut / avec Philippe Lellouche, Vanessa Demouy, …)

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L’appel de Londres
De Philippe Lellouche
Mis en scène par Marion Sarraut assistée par Clémence Carayol
Avec Philippe Lellouche, Vanessa Demouy, David Brécourt, Christian Vadim

Décors par Véronique Jamet
Lumières par Jacques Rouveyrollis

Théâtre du Léman, Genève, Suisse
Produit par Juste pour rire France (producteur), Atelier théâtre actuel (tourneur), Swiss Arthur Prod (organisateur)
Représentation du mardi 28 avril 2015 à 20h30
Placé en quatrième catégorie (rang X, place 4)
Payé 31.50 CHF (tarif adhérent FNAC)

22_2_castingLes comédiens de la pièce, de gauche à droite Philippe Lellouche, David Brécourt, Christian Vadim et Vanessa Demouy.
[photo de Breffni O’Dubhghaill, via Théâtre Princesse Grace Monaco]

Pour cette dernière pièce de la saison, je fus le premier à rentrer dans la salle du Théâtre du Léman, une anecdote fort inutile, j’en conviens, mais je ne savais pas comment commencer cette critique alors je vous le dis, faîtes-en ce que vous voulez…

Une demi-heure plus tard, les rideaux s’ouvrent sur un décor des plus réussis de café-restaurant franchouillard, celui-ci ayant la particularité de se trouver de l’autre côté de la Manche, à Londres. En fond sonore une musique entêtante, elle aussi estampillée carte postale parisienne, que je vous met en lien parce-qu’il n’y a pas de raison que je sois le seul à ne plus pouvoir m’en débarrasser (“oooooooon laisse tous un jour… uuuuuuuun peu de notre vie…”). Les tables sont encombrées des couverts du précédent service, qui vient vraisemblablement de se terminer.

Marianne, la patronne du lieu (interprétée par Vanessa Demouy), commence les rangements. Tour à tour entrent ensuite en scène les trois autres protagonistes de la pièce, à commencer par François (Christian Vadim), un ami de longue date de la tenancière qui, tout comme elle, s’est exilé en terre britannique. Un dialogue assez peu naturel s’installe pour nous expliquer qui il est – “tu le sais bien Marianne, je suis un écrivain raté qui tente d’écrire un livre depuis sept ans” ; j’ai déjà vu des scène d’exposition plus subtiles. Suit Charles (Philippe Lellouche), un autre Français, que la patronne a connu à Londres, puis Jean-Christophe (David Brécourt), encore un exilé, à qui Marianne annonce que le restaurant est fermé avant de remarquer son accent frenchie. “Je ne peux pas laisser repartir un Français le soir du 14 juillet” lui dit-elle, et le voilà à trinquer avec les trois autres.

22_3_barLa patronne derrière le bar, les trois hommes franco-londoniens peuvent commencer à faire connaissance…
[photo de Breffni O’Dubhghaill, via Théâtre Princesse Grace Monaco]

La situation est plantée, les discussions peuvent commencer, chacun se présentant et expliquant tour à tour les raisons de son exil. La patronne a franchi la Manche pour trouver des banquiers moins frileux et pouvoir ouvrir sa propre affaire sans devoir faire la manche (elle était facile celle là, désolé). Pour Jean-Christophe, le trader au costume impeccable, c’est le fait de gagner trop d’argent et de se sentir mal aimé et surveillé dans l’Hexagone qui l’a fait franchir le pas. L’avocat Charles, lui, ne supportait plus l’attitude et le moral en berne de ses compatriotes. Quand à François, l’écrivain raté à l’humour consternant, il reste plutôt évasif sur ses motivations…

Les dialogues sont parfaitement écrits, chaque personnage y tient une place égale et, contrairement à la scène d’introduction que je critiquais quelques lignes plus haut, sont interprétés de façon très spontanée. La discussion part dans tous les sens, comme toujours dans ce genre de cas, passant de la situation familiale de chacun à des débats financiers explosifs entre le trader, l’écrivain fauché et l’avocat vite étiqueté communiste.

La mise en scène ajoute au naturel des dialogues en gardant les acteurs toujours en mouvement, passant du bar au coin canapé, avec Marianne débarrassant les tables en arrière-plan. Une belle façon de dynamiser l’ensemble sans effets superflus.

22_4_decorDans ce large décor, l’espace est toujours bien occupé par les comédiens ; si les oreilles des spectateurs sont bien occupées, les yeux ne s’ennuient pas non plus
[photo tirée de la bande annonce du spectacle]

La soirée avançant et les verres de vin s’enchaînant, les discussions deviennent de plus en plus franches, avec un éventail de thèmes toujours très large. Après un petit casse-croûte bien français, les techniques de drague sont abordées, et le public assiste à un mémorable concours de speed dating (une des meilleures scènes de la pièce, au coude-à-coude avec un autre concours, celui de lancer de fléchettes), les trois hommes ayant des stratégies bien différentes…

Je ne l’ai pas encore précisé, mais vous l’aurez compris à ce stade de la critique, derrière cet étrange titre de pièce rappelant la seconde guerre mondiale se cachent des dialogues drôles, très drôles ! Christian Vadim excelle dans son rôle d’écrivain resté bloqué à l’adolescence avec des mimiques, des références et un humour toujours surprenant (ah, Carlos…). Philippe Lellouche n’est pas en reste pour balancer quelques vannes bien senties.

Si j’avais une petite critique à formuler, c’est à la fin de l’histoire que je l’adresserais, puisque celle-ci est très prévisible, du genre à être annoncée dès les premières secondes. Tout commence par une discussion dérivant peu à peu sur la situation actuelle de la France, du point de vue économique comme du point de vue social, chacun réfléchissant à ce qui l’a mené à Londres. Puis un événement assez peu crédible vient accélérer les choses et conduit au dénouement final. A signaler que dans la deuxième moitié de la pièce, le texte se fait plus “engagé”, plus critique vis-à-vis de la France, de son patriotisme devenu symbole d’extrême-droite, de son actualité (je me suis d’ailleurs demandé si le texte avait été modifié suite à l’attentat de Charlie Hebdo ?), de ses habitants et de ses exilés. Ca pourrait être maladroit, ça ne l’est pas du tout, c’est tout au plus un peu superficiel mais toujours très bien abordé, et assez juste de mon point de vue.

22_5_tableAprès un repas “à la française”, les discussions plus politisées s’engagent…
[photo de Breffni O’Dubhghaill, via Théâtre Princesse Grace Monaco]

J’ai déjà dit comme je trouvais les acteurs naturels et bons individuellement, mais il faut absolument préciser que le succès de la pièce repose sur le collectif, personne ne prenant le dessus. L’ambiance festive et amicale est autant présente de par les personnages interprétés que de par les acteurs se cachant derrière eux. Ces quatre là en sont à leur quatrième pièce ensemble (je crois), se connaissent parfaitement, s’amusent, ont plaisir à jouer et ça se voit.

Les photos des coulisses postées par les comédiens sur Twitter ne me contrediront pas, la bonne humeur règne dans l’équipe. Et dans une pièce comique, où les acteurs doivent s’envoyer des vannes et rire, ça conduit fatalement au fou-rire… Après une petite perte de contrôle bien rattrapée au moment du casse-croûte, c’est finalement un oubli de texte de Vanessa Demouy qui conduira les comédiens dans une situation difficilement rattrapable et le public dans l’hilarité générale !

Me voilà arrivé au moment de la conclusion. Vous l’aurez compris, cette pièce, entre éclats de rire incessants et petite réflexion sur le fond, m’a beaucoup plu. Les dialogues ont beau être des discussions de comptoir partant dans tout les sens, c’est parfaitement ciselé et mis en scène. Les acteurs s’amusent tout en étant très naturels et en transmettant au public l’ambiance accueillante du café de Marianne. Un peu plus et on aurait envie de les rejoindre, et de nous aussi participer à leurs échanges conviviaux. En résumé, la chanson de Michel Fugain servant de bande originale de la pièce lui correspond parfaitement ; elle est divertissante, bien écrite, interprétée généreusement et très entrainante ! “On laisse tous un jour un peu de notre vie sur une table dans le fond d’un café, sur une table que l’on n’oublie jamais…”

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