La trahison d’Einstein (de Eric-Emmanuel Schmitt / mes. Steve Suissa / avec Francis Huster, Jean-Claude Dreyfus, …)

2_1_affiche

La trahison d’Einstein
De Eric-Emmanuel Schmitt
Mis en scène par Steve Suissa assisté par Stéphane Froeliger
Avec Francis Huster, Jean-Claude Dreyfus, Dan Herzberg

Décors par Stéfanie Jarre
Lumières par Jacques Rouveyrollis assisté par Jessica Duclos
Vidéos par Antoine Manichon
Musiques par Maxime Richelme
Costumes par Pascale Bordet

Théâtre Rive Gauche, Paris, France
Produit par Théâtre Rive Gauche (producteur, organisateur)
Représentation du samedi 8 février 2014 à 15h00
Placé en première catégorie
Payé 21.50 €

2_2_castingJean-Claude Dreyfus, l’auteur Eric-Emmanuel Schmitt, le metteur en scène Steve Suisse et Einstein… pardon, Francis Huster
[photo de Quentin Haessig, via la page Facebook du spectacle]

C’est parti pour la suite d’un week-end parisien chargé en spectacles ; après un vendredi soir à rire devant Le placard, ce sera un rendez-vous avec Einstein ce samedi après-midi, excusez du peu !

Pour la petite histoire, sachez que j’ai appris l’existence de la pièce à peine deux ou trois semaines avant le départ, d’une façon plutôt étonnante… En effet, c’est un ami twitto qui se moquait de l’affiche croisée dans le métro ! A propos de l’affiche, un “humoriste” a été jusqu’à faire une vidéo se moquant de son graphisme. Pour ma part, je ne la trouvais pas spécialement moche mais surtout, voir les noms Eric-Emmanuel Schmitt, Steve Suissa et Francis Huster (trio dont j’avais découvert la géniale version du Journal d’Anne Frank quelques semaines plus tôt) à côté de celui d’Albert Einstein, pour un passionné de théâtre et de science comme moi, ça rend curieux !

Le reste de la famille était bien moins convaincue que moi et c’est finalement à deux seulement que nous franchissons les portes du Théâtre Rive Gauche avec, en poche, des billets moitié prix.  Moitié prix ? Et oui, il s’agissait des premières représentations de la pièce et le théâtre les vendait donc à moitié prix. C’est bien sympathique mais ça fait un peu peur quand à la qualité de ce qui nous attend…

Mais revenons au Théâtre Rive Gauche, très sympathique salle qui est, pour cette séance de l’après-midi, remplie de retraités – ayant 19 ans, ma seule présence a probablement fait chuter la moyenne d’âge de 10 ans !

En attendant le début de la pièce, différentes citations d’Einstein sont projetées sur le rideau. Ca tombe bien, je suis un fan des citations d’Einstein.

Lorsque Francis Huster entre sur scène, il est impossible de ne pas être surpris par la justesse du déguisement – Einstein est là, devant nous, c’est vraiment impressionnant !

2_4_einsteinEinstein en chair et en os
[photo de Jeep Stey, via la page Facebook du spectacle]

Le décor est tout autant réussi, la minuscule scène du théâtre représentant une forêt au bord d’un lac, avec une petite cabane. Le décor est prolongé par de nombreuses projections vidéos plutôt réussies. Afin d’augmenter l’espace à disposition, un petit podium se trouve sur un des côtés de la scène. Les comédiens y accèdent par une mini-passerelle enjambant l’accès aux toilettes de la salle (!), ce qui permet quelques originalités de mise en scène.

Je m’éternise sur l’aspect technique, mais il me faut encore signaler l’ambiance sonore très développée (c’est assez étonnant au théâtre d’avoir une bande son avec des bruits de forêt et de lac en quasi-permanence, mais ça rend très bien) et surtout l’excellent travail sur l’éclairage pour passer du jour à l’ambiance d’un crépuscule de bord de lac. Le détail est poussé jusqu’à la projection de la Lune au plafond (que seulement 10% de la salle doit remarquer d’ailleurs), c’est assez amusant. En même temps, avec Jacques Rouveyrollis aux commandes, on ne pouvait que s’attendre à un éclairage de cette qualité.

2_3_decorVue de la scène – le fond et une partie du cadre sont des écrans
[photo sans crédit, via la page Facebook du spectacle]

Venons-en à l’action ; elle se déroule aux Etats-Unis où Einstein est arrivé après avoir fui l’Allemagne nazie. Einstein, devenue une véritable célébrité grâce à sa théorie de la relativité, croise un marginal qui, pour sa part, connaît assez peu le travail du scientifique…

Le marginal en question est joué par Jean-Claude Dreyfus, au physique et au costume absolument parfaits. L’acteur m’a fait peur dans les premières minutes de la pièce en surjouant le côté marginal ayant un peu forcé sur la bouteille, au point d’avaler quelques mots. Heureusement il s’est très vite repris et, pour tout le reste de la pièce, nous aurons droit à une véritable démonstration de deux acteurs exceptionnels ! Je l’ai dit dans l’intro, nous avons payés moitié-prix, la pièce étant encore en “rodage”. Et pourtant, à part une hésitation de Huster à un moment de la pièce, c’était la perfection. Ce demi-tarif était un vrai cadeau de la part du théâtre.

La première conversation entre les deux personnages est un débat musclé avec d’un côté Einstein le pacifique et, de l’autre, le marginal dont le fils est mort à la guerre. On comprend tout de suite que l’écriture est parfaite. Certes, ça n’est qu’un dialogue entre deux interlocuteurs sans véritable action autour, mais c’est parfaitement rythmé et, surtout, très intéressant.

2_5_personnagesEinstein et son nouvel ami en pleine discussion
[photo sans crédit, via la page Facebook du spectacle]

Evidemment les deux personnages se lient vite d’amitié. Ils se revoient donc fréquemment, pendant plusieurs années (la chronologie est indiquée au public par les écrans en fond de scène) ce qui nous permet d’assister à de magnifiques échanges, la thématique tournant (mais pas seulement) autour de la fameuse lettre signée par Einstein qui conduira Roosevelt à lancer le Projet Manhattan.

Un troisième personnage intervient sur scène, il s’agit de Dan Herzberg, jouant l’agent du FBI chargé de surveiller Einstein, puisque ce dernier est soupçonné d’être communiste et de travailler pour l’ennemi. L’idée derrière le personnage est bonne, il rajoute une tension à la pièce et permet au spectateur de comprendre la pression sous laquelle se trouvait Einstein, le problème c’est que l’acteur n’est vraiment pas à la hauteur de Huster et Dreyfus et que ses entrées en scène sont pour la plupart totalement ratées. L’agent du FBI caché derrière un arbre qui arrive exactement au bon moment pour rebondir sur une phrase d’Einstein, c’est pas très subtil.

Avant de passer à mes scènes coup de coeur, je mentionnerai encore que, contrairement à ce que vous pouvez penser vu le thème de la pièce, c’est par moment très drôle. Le talent dans l’écriture des dialogues est exceptionnel.

2_6_personnagesLa complicité s’installe entre ses deux personnages pourtant très opposés
[photo sans crédit, via la page Facebook du spectacle]

Venons-en comme promis à mes scènes préférées. Je ne peux pas m’empêcher de commencer par parler de la scène de l’explosion de la bombe nucléaire d’Hiroshima. Einstein joue du violon sur le podium à côté de la scène – belle bande son, bel éclairage. Sur scène, les écrans nous montrent l’explosion de la bombe pendant qu’un effet sonore d’un volume rarement vu au théâtre emplit toute la salle (pensons aux pauvres retraités dans la salle !). C’est dur à décrire, mais le contraste entre Einstein + le violon et les flammes + le bruit de l’explosion est vraiment génial.

Pas loin derrière dans mon “top”, je citerai le bel échange entre Einstein et l’agent du FBI sur le racisme, très bien écrit. Sans trop en révéler, je terminerai, dans un grand moment de logique, pas la scène finale, à savoir la dernière discussion entre ceux qui sont devenus de grands amis, très belle.

En résumé, vous l’aurez compris, j’ai adoré. Bien sûr, le thème m’intéressait et je partais conquis, mais comment ne pas l’être devant cette performance du duo Francis Huster et Jean-Claude Dreyfus ? Et ce d’autant plus que le tout est accompagné d’un très haut niveau d’écriture et d’une quasi-perfection technique. Et pourtant je ne peux pas vous recommander d’aller voir la pièce, puisqu’elle s’est arrêtée après cinq mois de représentations et qu’elle ne partira pas en tournée. C’est bien dommage !

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