Love Letters (de Albert R. Gurney / mes. Benoît Lavigne / avec Francis Huster, Cristiana Reali)

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Love Letters
De Albert R. Gurney
Adapté par Alexia Périmony (adaptation, traduction)
Mis en scène par Benoît Lavigne
Avec Francis Huster, Cristiana Reali

Théâtre de Beausobre, Morges, Suisse
Produit par Jean-Marc Dumontet Productions (producteur, tourneur), Théâtre de Beausobre (organisateur)
Représentation du mardi 12 janvier 2016 à 20h00
Placé en première catégorie (rang S, place 15)
Payé 60.80 CHF (abonnement 14-17 spectacles au Théâtre de Beausobre = -20%)

41_2_castingAncien couple, Francis Huster et Cristiana Reali se retrouvent sur scène dans cette version de “Love Letters”…
[photo de Gaël Rebel, via le dossier de presse]

Love Letters est une pièce épistolaire faite d’échanges entre deux amis d’enfance qui vont suivre des parcours bien différents, en n’oubliant toutefois jamais de s’envoyer des lettres dans lesquelles on devine sans mal qu’il y a bien plus que de l’amitié entre eux. Le texte a eu beaucoup de succès depuis son écriture en 1988 et a été joué par un nombre de couples incalculable. Le Théâtre Antoine de Laurent Ruquier l’a ainsi dernièrement produit avec Gérard Depardieu et Anouk Aimée. Francis Huster et Cristiana Reali ont ensuite repris le flambeau et ce sont eux qui assurent la tournée.

Le spectacle n’est pas présenté comme une pièce de théâtre à proprement parler, mais comme une lecture. Dans cette version signée Benoît Lavigne, la mise en scène et le décor sont carrément réduits à néant, les deux comédiens restant assis tout au long de la représentation derrière une grande table, côte à côte, mais sans jamais se jeter un regard, sans jamais bouger d’un centimètre de leur chaise. Le geste le plus violent doit être de se verser un verre d’eau, c’est dire ! Quant aux seules excentricités, elles proviennent de quelques effets audio et extraits de musique, qui sont d’ailleurs rarement utiles ou en tout cas jamais bien utilisés.

Toutes les caractéristiques propres aux lectures étaient donc réunies. Ca tombe mal ; j’ai vu assez peu de spectacles du genre, mais suffisamment pour dire que je n’en suis en général pas fan, leur reprochant de ne rien apporter de plus qu’un livre audio. Pour tout dire, si j’étais dans les rangs du Théâtre de Beausobre ce soir-là, c’est surtout parce que je suis assez fan de Francis Huster.

Finalement, même si je reste convaincu qu’un peu de mouvement, d’originalité et de mise en scène ferait le plus grand bien à l’ensemble, j’ai quand même l’impression d’avoir eu un plus en me déplaçant à Morges plutôt qu’en écoutant le texte assis chez moi. C’est probablement dû aux comédiens qui interprètent le tout avec excès, certes, mais surtout avec talent. Leurs quelques mini-gestes et regards vers le public apportent incontestablement quelque chose. Serait-ce ça la clé d’une lecture réussie, des acteurs capables d’en faire trop ? Ce qui est sûr, c’est que pour être excessif tout en restant convaincant, il n’y a personne de meilleur que Francis Huster !

41_3_tableLa photo représente très mal la façon dont laquelle le texte est interprété, à savoir sans contact entre les deux protagonistes
[photo de Gaël Rebel, via le dossier de presse]

Il faut signaler que, s’il s’agit bien d’une lecture et que, comme visible sur la photo ci-dessus, les comédiens tournent les pages des lettres lues tout au long du spectacle, ils connaissent leur texte par cœur (ça saute aux yeux, et j’en ai eu la confirmation dans une interview). Ca doit probablement aider à délivrer une interprétation de qualité – tant mieux, puisque la soirée repose uniquement là-dessus !

Pour ceux qui, comme moi, haïssent les journaux people, il est utile de préciser que Francis Huster et Cristiana Reali ont partagé leur vie pendant 17 ans. Entendre un échange romantique dans la bouche de deux anciens amoureux maintenant séparés a quelque chose d’assez étonnant, ajoutant une deuxième lecture au texte original. Une idée de casting plutôt bien vue donc.

Si j’en reviens au texte, il faut préciser qu’il est très rythmé, superbement écrit et parfois assez amusant. Ce qui frappe d’entrée de jeu c’est que la chronologie est impossible à suivre, aucun repère temporel n’étant jamais donné, si ce n’est des “joyeux Noël et bonne année” revenant régulièrement dans les lettres. Je serais ainsi incapable de dire à quel âge commence leur échange de missives. Malgré mon admiration pour son jeu, je suis obligé de préciser qu’à deux ou trois reprises Francis Huster en a un peu trop fait, donnant un côté assez enfantin à son personnage, ce qui ne m’a pas aidé à le voir prendre de l’âge au fil des minutes.

Autre particularité, certaines lettres sont lues entremêlées, l’un des deux amoureux répondant au deuxième avant la fin de son courrier. Ca évite les monologues interminables et donne un côté SMS, moderne et pas désagréable, à cet échange épistolaire. Ce qui me fait penser que la pièce m’a beaucoup rappelé L’élixir d’amour dont j’ai parlé ici même, par la forme bien sûr, mais aussi par l’univers artistique (on connaît d’ailleurs les liens entre Steve Suisse, Eric-Emmanuel Schmitt et Francis Huster) et par l’histoire des deux amoureux suivant deux trajectoires opposées et se provoquant perpétuellement en se racontant leurs propres rencontres, mariages et naissances. Le ton est ici un peu plus familier, faisant une belle place à l’humour et au langage parlé.

41_4_deboutJe serais curieux de voir les performances délivrées par les autres couples ayant dernièrement interprété ce texte…
[photo de Gaël Rebel, via le dossier de presse]

Je n’ai pas l’habitude d’en parler souvent sur ce site, mais je vais me le permettre pour une fois : abordons le sujet du prix de la place. 60.80 CHF pour moi qui suis abonné et ai droit à 20 % de réduction, et donc 76.00 CHF en plein tarif ! Etant donné que je ne vois pas ce qui coûte bien cher dans cette production et que je suis assez certain que le Théâtre de Beausobre ne pratique pas des tarifs exagérés, je suppose que ce sont les comédiens qui demandent des cachets mirobolants. Et autant pour une pièce de théâtre de 2h ça peut passer, autant pour une simple lecture de 1h25 c’est clairement beaucoup trop. Dommage… En plus, j’ai eu la malchance de me retrouver assis à côté de deux vieilles commentant tout le spectacle à voix haute, exprimant des “oh” d’effroi sans raison toutes les trois phrases, consultant leur téléphone avec la luminosité poussée au max et allant même jusqu’à prendre des photos avec flash ! A quand les sièges éjectables au théâtre ?

Mais je ne me suis pas laissé influencer par ces deux insupportables spectatrices et ma conclusion sera donnée en toute objectivité ! Même si le prix était bien trop élevé, même si je reste assez peu fan de ce principe de lectures avec des acteurs assis derrière une table tout du long, même si je regrette de ne pas avoir assisté à une version mise en scène de ce texte, même si je préfère le théâtre aux “livres audio à regarder”, j’ai passé une bonne soirée. Francis Huster est le genre d’acteur parfait pour cet exercice, capable de jouer exagérément tout en restant juste et crédible. A ses côtés, Cristiana Reali, bien que prenant moins de place, excelle. Le texte est lui très réussi, romantique sans être fleur bleue, abordant de nombreux sujets dans une grande fluidité. L’ensemble est moderne, très rythmé et ponctué de quelques notes humoristiques. Si ça n’est pas ce que je préfère, il me faut donc reconnare que dans ce style de spectacle, cette version de “Love Letters” réalise un sans-faute.

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