Vous reprendrez bien quelques sketches ? (de Philippe Chevallier, Régis Laspalès / mes. Philippe Chevallier, Régis Laspalès / avec Philippe Chevallier, Régis Laspalès)

20_1_affiche

Vous reprendrez bien quelques sketches ?
De Philippe Chevallier, Régis Laspalès
Collaboration artistique avec Bruno Chapelle, Pascale Michaud
Mis en scène par Philippe Chevallier, Régis Laspalès
Avec Philippe Chevallier, Régis Laspalès

Décors par Laure Lepelley Monbillard
Lumières par
Laurent Béal
Musiques par Guillaume Stirn, Renaud Stirn

Théâtre Bâtiment des Forces Motrices, Genève, Suisse
Produit par Pascal Legros Productions (producteur, tourneur), Théâtre de la Renaissance (producteur), Pipo et Mario (producteur), Swiss Event Productions – Les Théâtrales (organisateur)
Représentation du mardi 14 avril 2015 à 20h30
Placé en troisième catégorie (rang 43, place 16)
Payé 35.00 CHF

20_2_castingDeux têtes bien connues dans le domaine de l’humour, Régis Laspalès et Philippe Chevallier
[photo de Charlotte Spillemaecker, via Pascal Legros Productions]

Dans la catégorie des duos d’humoristes, il n’y a pas plus connu que Chevallier & Laspalès. Le train pour Pau est un de ces sketches cultes de la langue française, indémodable. J’avais déjà vu la paire de comédiens sur les planches, mais dans une pièce de théâtre (Les menteurs, joué dans le même Bâtiment des Forces Motrices quelques mois plus tôt), jamais dans leur premier amour, le two men show. Ce spectacle vendu comme réunissant leurs plus gros succès et des nouveautés était l’occasion rêvée de combler ce vide.

Dès l’ouverture du rideau, je suis surpris par la modernité de leur entrée en scène : belle musique, jeu de lumière travaillé, gag visuel, nous voilà loin de l’image poussiéreuse qu’ils véhiculent. Tant mieux ! Le fond de scène est même décoré d’une joli oeuvre d’art (enfin, j’exagère peut-être un peu là quand même…), des lettres empilées formant le titre du spectacle et leur nom.

Après quelques dialogues de mise en bouche lors de leur entrée, nous voilà dans le vif du sujet avec le premier sketch, un de leur classique, celui où deux amis discutent de leur chien utilisant des phrases jouant sur le double-sens avec… autre chose que leur chien. Pas très fin ni très original, mais ça n’est pas ce qu’on attend en venant voir Chevallier & Laspalès !

20_3_decorDeux amis promènent leur chien, devant le sympathique décor égayant la scène
[photo de Charlotte Spillemaecker, via Pascal Legros Productions]

Les quelques premiers sketches sont l’occasion de remarquer que Chevallier peine un peu. Pas physiquement (alors qu’il y aurait eu de quoi, quelques semaines plus tôt des spectacles ont été annulés suite à une chute de cheval) mais au niveau du texte. Il bafouille un peu, coupe la parole à son collègue et commence même à dire des répliques avant de se rendre compte qu’il va trop vite et qu’il doit en placer une autre avant. Etonnant et décevant pour quelqu’un qui est loin d’être un débutant !

Deux ou trois sketches se suivent, le public s’amuse bien, voir un peu trop pour les vieilles pintades (oui, j’invente des insultes maintenant !) qui m’entourent. Non mais sérieusement, je sais pas ce qu’elles avaient, mais glousser pareillement même hors des répliques comiques, c’est grave. Pire encore, il y en a une qui tentait de lancer des applaudissements toutes les trois phrases. Une horreur d’assister à un spectacle aux côtés de ce genre de personne…

20_4_stand-upRégis Laspalès dans l’attitude consternée qu’il incarne si bien
[photo de Charlotte Spillemaecker, via Pascal Legros Productions]

Et là, c’est de la drame, sur scène les deux artistes s’engagent dans la scène du québécois faisant du stand-up. Pour vous planter la situation, Philippe Chevallier explique à Régis Laspalès que maintenant, dans l’humour, il faut faire du stand-up, “un genre québécois où l’humoriste demande toujours à son public s’il va bien”. Une phrase et une idée plutôt drôles, certes, sauf que tout le monde sait que le stand-up est une forme d’humour venant des Etats-Unis et n’ayant absolument rien à voir avec le Québec – je ne sais pas où ils ont été cherché ça…

Exactitude humoristique mise à part, il faut savoir que Chevallier joue le tout en imitant l’accent québécois, un truc que les humoristes européens adorent faire dès que possible sans que j’aie jamais bien compris ce qu’il y avait de drôle là-dedans. Le problème de Chevallier, c’est qu’il n’est pas vraiment connu pour ses talents de comédien, et que son accent est une véritable catastrophe. Mais vraiment ! Et si c’était que l’accent, mais même le texte est raté, il se moque d’expressions censées provenir de nos cousins de la Belle Province sauf que personne n’a jamais dû les y utiliser…

L’idée du sketch est d’avoir Chevallier faisant un stand-up raté pendant que Laspalès se moque de lui, trouvant ça chiant et trop long. Le problème c’est que l’ensemble est véritablement chiant et long. Ca dure trois plombes, c’est pas drôle, la chute est nulle, bref, c’est le moment raté du spectacle, et bien raté !

20_5_chansonChangeons de région, avec une saynète en chanson
[photo de Charlotte Spillemaecker, via Pascal Legros Productions]

Ce long moment québécois a pour moi marqué un tournant dans le spectacle. A partir de là, les sketches présentés (pour la plupart des nouveautés) sont de qualité plutôt médiocre, s’enchaînant de plus sans aucun liant.

Je suis friand de jeux de mots, j’adore en faire, des très mauvais si possibles. Ceux de Chevallier & Laspalès sont effectivement mauvais, le problème c’est qu’eux ne les improvisent pas comme moi mais les écrivent et qu’ils les amènent avec une telle lourdeur que je les voyais systématiquement (une bonne vingtaine de fois au moins) venir dix secondes à l’avance. Peut-être que je suis habitué, mais ça n’est pas une raison pour ne pas me surprendre ! Voir Laspalès déambuler déguisé en canard en faisant “cui cui”, entendre Chevallier grimé en Chinois lui expliquer qu’un canard ça fait “coin coin” et pas “cui cui”, et finir par assister à la réplique redoutée depuis bien longtemps (“c’est parce que c’est un canard laqué, il est cuit”), c’est juste pas possible.

Parmi les autres scènes, le public a droit à une émission de critique cinéma de France Culture (un peu facile et déjà vu cent fois), à une discussion entre résidents d’un home (“on chante du Carla Bruni parce qu’on n’a pas beaucoup de voix”), à une visite chez le boulanger (cinq minutes passées à énumérer des recettes de baguettes fantaisistes, un peu longuet), à un cours de français sur le féminin des mots (belle idée d’écriture malheureusement mal ordonnée) et, à plusieurs reprises, à des échanges entre deux députés (pas convainquant non plus).

Après ça, ils retombent sur leurs pieds avec un classique, le sketch du week-end chez les amis, agrémenté de quelques impros. Enfin, impros… selon moi ils font les mêmes depuis qu’ils tournent avec ce spectacle, mais c’était amusant, donc j’accepte !

20_6_pauCe décor vous dit quelque-chose ?
[photo de Charlotte Spillemaecker, via Pascal Legros Productions]

C’est la fin, les deux amis viennent saluer le public… sauf que personne n’est dupe et, comme dans un concert, tout le monde attend le “rappel” pour assister en live à leur “tube”. Et c’est ainsi qu’après quelques secondes d’applaudissement se fait entendre “Bonjour monsieur, j’aimerais un billet de train pour aller à Pau”, immédiatement suivi d’une nouvelle salve d’applaudissements. Je pourrais quasiment vous écrire la suite par coeur, tellement j’ai déjà vu ce classique. Parfaitement écrit, efficace, avec les qualités de chacun des deux acteurs mises au service de leur personnage et agrémenté, contrairement au reste du spectacle, de jeux de mots bien trouvés, bref, un excellent moment.

Cela dit, je leur reproche de ne pas avoir cherché à moderniser ce gros succès. Exemple tout con, les agents SNCF ont accès à un ordinateur pour chercher les horaires depuis quelques années tout de même… Pourtant le texte a été retravaillé puisqu’ils ont supprimé certaines répliques. Et, très important, je signale avoir été déçu par la prononciation de la réplique “y’en a qui ont essayé, mais ils ont eu des problèmes”. J’imite Laspalès à la perfection sur cette phrase (ou presque…) et voilà qu’il y met une toute autre intonation que celle que j’ai l’habitude d’entendre, ça ne va pas du tout !

En conclusions, le public assiste ici à un best-of avec deux bests seulement, à savoir les deux derniers sketches. Pour le reste, ça oscille entre l’acceptable et le mauvais. Chevallier & Laspalès sont des artistes ayant eu un coup de génie d’écriture humoristique à deux reprises au long de leur carrière, et se reposant le reste du temps sur la facilité, le déjà vu et les jeux de mots dont l’arrivée est limite signalée par une alarme. Je me demande aussi pourquoi ils ont décidé de faire un spectacle de deux heures, ce qui est vraiment trop long, surtout qu’ils auraient facilement pu trouver des choses à jeter dans leurs nouveaux textes ! Bref, vous l’aurez compris, je ne vous conseille pas forcément ce spectacle… mais c’est vous qui voyez !

3 réflexions sur « Vous reprendrez bien quelques sketches ? (de Philippe Chevallier, Régis Laspalès / mes. Philippe Chevallier, Régis Laspalès / avec Philippe Chevallier, Régis Laspalès) »

  1. Timekeeper

    J’avais vu ce qui doit être leur précédent ou avant-précédent spectacle, il y a une dizaine d’années au Casino de Paris.
    J’avais déjà le même ressenti : les anciens sketchs étaient géniaux et les nouveaux bien en dessous.
    Ton histoire de boulanger me dit quelque chose, elle ne doit pas être toute neuve j’ai du l’entendre sur Rire et Chansons il y a plusieurs années. Moi je me souviens d’un sketch où ils visitaient un appartement, ça ne m’avait pas fait rire.

    C’est souvent le cas avec les humoristes. Je trouve que le premier spectacle d’Anthony Kavanagh était génial, mais que maintenant il est pathétique. Élie Simoun aussi, la faute en plus à un manque de rigueur (on dirait qu’il ne se souvient pas de ses dialogues, et il rigole tout seul tout le temps).
    Franck Dubosc m’a l’air au dessus du lot, avec des spectacles toujours du même niveau (pour ne pas dire « bons », chacun son avis sur Dubosc ^^). Florence Foresti aussi, mais j’ai moins vu ces dernières créations.

    Et je ne juge là que sur des images en vidéo.
    En vrai on a en plus le problème que tu évoques des sketchs que l’on connait par cœur. Pour revenir sur Anthony Kavanagh, j’avais adoré son spectacle, mais des changement d’intonation et de rythme dans le sketch de l’accouchement que j’écoutais en boucle m’ont déçu. C’était moins bien.

    Je comprend que c’est du live, qu’un acteur expérimente, mais dans certains cas on va voir certains sketchs comme une marotte, comme une madeleine de Proust. On a envie de le vivre comme on se repasse un film en DVD. Imaginer que les dialogues ou le rythme du Diner de cons ou des Bronzés font du ski changent d’une lecture sur l’autre est inconcevable.

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    1. thibratschi Auteur de l’article

      Concernant le boulanger, je ne le connaissais pas, mais ça se trouve effectivement sur YouTube, c’est pas tout récent : https://www.youtube.com/watch?v=PjR0ad1vNyg .
      Je ne connaissais que les classiques de Chevallier & Laspalès, en allant voir un best-of je me disais qu’il n’y avait pas beaucoup de risques que je sois déçu, et pourtant, leurs nouveautés passent tellement lentement…

      Concernant les autres, jamais vu ni Dubosc, ne Semoun, ni Kavanagh (qui est limite mon voisin pourtant) sur scène, Foresti ça sera en décembre !

      Pour l’intonation sur le Train pour Pau, ça m’a vraiment surpris, dans chaque vidéo il le dit exactement la même chose, et là ils ont gardé texte et mise en scène mais changé l’intonation, c’est une drôle d’idée. Et ça rendait pas mieux, surtout.

      Merci pour le commentaire, c’est tellement rare que j’avais limite oublié que j’avais activé la fonction ! Et je me suis permis de corriger l’URL de ton site au passage :).

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      1. Timekeeper

        Les commentaires sur les blogs c’est rare en général, mais en plus sur une critique de spectacle c’est rare de partager l’expérience de l’auteur.
        Et merci pour la correction ;-)

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